La nervosité de mes gestes trahissait mon impatience, quand planté là dans un couloir du septième étage je jouais nonchalamment avec mon jeu de cartes, mélangeant de manière habile et vivace ces dernières de telle sorte que le tableau derrière moi ne cessait de siffler quelques plaintes admiratives. Regard de fauve braqué sur mon jeu manié avec dextérité, je n'eus pour seule réponse à ce public dérangeant qu'un soupir glacé et glaçant arraché à mes lèvres concentrées. « Sire vous jouez tel un diable. Pour nom le Renard vous sied bien ! » Le chevalier du catogan s'exclamait avec panache derrière mon dos, attendant probablement lui aussi l'arrivée des sixième année qui bientôt descendraient de l'échelle, suintant le patchouli et la fatigue paresseuse octroyés à la salle de divination. Malgré moi – car ce personnage peinturluré m'avait toujours agacé de par son bavardage intempestif et sa curiosité piquée, éveillant mes soupçons – j'eus un rictus amusé, acceptant de ce fait de répondre à son compliment. « Bel alexandrin. » sifflais-je d'une voix chaude et suave sans daigner redresser mon regard de mon jeu de cartes. Pour autant, je pouvais deviner que derrière moi, le chevalier bombait le torse de fierté, jubilant de son effet stylistique et se sentant gratifié d'avoir, à ses yeux, impressionné un élève. Ce qui m'impressionnait le plus en vérité était cette faculté soudaine qu'il avait de rester muet sous les honneurs, lui qui n'avait rien à envier à ces jeunes demoiselles pipelettes et dont le flux verbal doublait considérablement à l'approche des bals de fin d'année. « Merci messire. Cependant j'apprécierais d'avantage votre spectacle si vous ne me faisiez pas l'affront de me tourner presque le dos. » Enfin, voilà qu'il arrivait avec ses grands sabots, lui et sa susceptibilité glacée ; j'eus pour seule réponse un plissement de nez avant de rouler des yeux vers le plafond, comptant à présent les cartes battues afin d'exceller d'avantage à l'exercice du Black Jack.

Et c'était bien pour cela que j'attendais patiemment dans les couloirs vides ce jour là, car après tout le Renard n'était jamais désintéressé. Nulle affaire de flirt que j'essayais d'attraper au détour d'un couloir, ni même l'envie soudaine (et improbable) de m'en tenir à une discussion avec ce Chevalier exaspérant... seulement une idée ayant germé dans mon esprit la nuit passée, et qui incluait jeux d'argents ainsi qu'escroqueries subtiles. Pour mettre tout cela en place, encore me fallait-il le partenaire parfait : en qui je pouvais placer non mon entière confiance, mais assez d'estime pour que je le pense prompt à m'aider dans mon entreprise sans qu'il ne me poignarde dans le dos. Pour ce faire, le nom de Jeffrey m'était apparu clairement et de façon spontanée : le Gryffondor demeurait un bon camarade, amène à faire les quatre cent coups à mes côtés et pas franchement frileux lorsqu'il s'agissait de violer le règlement. A croire qu'il me suffisait de penser à lui, car enfin les premiers élèves descendaient l'échelle dans un brouhaha discret, la plupart faisant attention où ils mettaient les pieds afin de ne pas louper malencontreusement une marche. Rangeant mon jeu de cartes dans la poche intérieure, j'observais alors ce flot d'élèves heureux de s'échapper du ventre de ce grenier dopé à l'encens, répondant avec charisme aux salutations enthousiastes ou timides de la plupart. Et lorsqu'enfin j'entrevis Jeffrey, un sourire en coin se dessina sur mes lèvres : il n'eut pas même le temps de poser le second pied à terre que déjà je l'attrapais par le bras, l'emmenant vers les couloirs déserts – soit à contre-sens de la masse d'élève se précipitant vers la Grande Salle pour déjeuner. « Jeffrey. Toi, moi, un max de gallions. T'es partant ? » Et avant même qu'il ne puisse répondre quoique ce soit, un sourire narquois étira d'avantage mes lèvres mutines.