« Evodia, il te regarde encore... » La jeune blonde jeta un coup d'oeil derrière son épaule, dans ta direction. Automatiquement, tu fis un pas en arrière, pénétrant dans l'ombre de Gringotts. Tu sentais tes mains trembloter. Tu avais été idiot de t'exposer ainsi, de te laisser aller à la regarder en pleine rue, alors qu'elle était avec ses amies. Ses yeux marrons scrutèrent encore quelques secondes l'endroit où tu te trouvais auparavant avant de se retourner en direction de ses deux amies. « Il est plutôt mignon. » « Tu plaisantes ? C'est un Grimley. Et il est à Serpentard, murmura l'une de ses amies comme si elle prononçait une injure des plus grossières. » Evodia soupira en se gardant bien de tenter de leur expliquer, pour la millième fois, que les vieilles croyances sur le mauvais fond soit-disant possédé par tout les membres de cette maison étaient fausses, mais Liv et Emma étaient bien trop fermées d'esprit. Elle se retourna de nouveau dans ta direction en se mordant doucement la lèvre inférieure. Tu baissais la tête, soudainement absorbé par la contemplation du dallage du Chemin de Traverse. Tu te sentais idiot et honteux, tel un petit garçon de dix ans qui n'osait pas avouer son béguin pour la plus jolie fille de la classe. Enfin, ce n'était pas comme si une fille comme Evodia avait une chance de s'intéresser à toi. Elle était pleine de vie, sociale, débordait d'amour et de gentillesse. Toi ? Toi tu étais froid comme la pierre, meurtri par des blessures toujours ouvertes et plus solitaire qu'un loup. Ce que tu étais, en réalité. Une raison de plus de maintenir la distance que tu t'imposais avec les autres. Tu étais un monstre, depuis près de deux mois et tu ne t'étais toujours habitué à ta nouvelle condition. Tu te détestais, tu détestais la personne que tu étais et plus encore, cette noirceur qui te rongeait de l'intérieur. Evodia, c'était un écrin de douceur et de bonté. Ton contraire absolu, tels le jour et la nuit, l'ombre et la lumière. « En plus, il est toujours seul. C'est qu'il y a quelque chose qui cloche chez lui, à mon avis. Tu devrais te méfier, Evodia, il paraît que sa famille est très 'pro sang-pur', à ce qu'il paraît. » « Tu ne le connais pas … Et puis, il a l'air plutôt gentil. » Et malheureux, aurait-elle voulu ajouter, si elle n'avait pas eût peur de la réaction de son amie. « Tu ne le connais pas non plus, Evodia. Et arrête de faire comme si c'était un pauvre chat errant. Ce type, c'est de la mauvaise graine. » Malheureusement pour toi, cette dernière phrase arriva jusqu'à tes oreilles. En effet, les jeunes filles avaient avancé, tout en parlant, alors que toi, tu étais resté caché dans ton recoin, incapable du moindre mouvement. Tu sentis tes yeux s'embuer et ton coeur s'emballer. Il venait de subir un nouvel affront. Un de plus à ajouter à cette longue liste. Et il ne serait certainement pas le dernier. C'est alors qu'un souvenir, l'un des plus précieux à ton sens, s'invita dans ton esprit. Tu étais en première année, paralysé à côté de ton balais à l'idée de devoir voler dessus. Tu détestais la hauteur, le vide, l'altitude. Ton pire cauchemar était en train de prendre forme. Tu avais tenté de te faire excuser par l'infirmière, mais celle-ci n'était pas tombée de la dernière pluie. Malheureusement. Tes entrailles se tordaient, tes mains étaient moites et ton coeur battait la chamade. Tu te voyais déjà chuter de dix mètres de haut et venir t'écraser au milieu de la cour. « Toi aussi, tu as peur ? » Tu hochas la tête en avalant difficilement ta salive. Au moins, tu n'étais pas le seul à être terrorisé par les airs. « T'inquiètes pas, je suis sûre que ça va bien se passer. » Elle posa sa petite main sur la tienne et tu sentis le rouge te monter aux joues. « Je … je m'appelle Brett, fis-tu de façon à peine audible. » « Evodia, Evodia Caulfield. J'espère que l'on aura l'occasion de se reparler, te répondit-elle avec un petit sourire. » A ton plus grand damne, cela n'était jamais arrivé. Vous aviez tout les deux pris des chemins différents, aussi bien socialement que dans les études. Néanmoins, tu n'avais jamais cessé de jeter des petits coups d'oeil à cette fille, cette fille que tu ne connaissais pas mais que tu trouvais formidable. Et enivrante. Alors, tu l'observais de loin, depuis le fond de la salle de classe, du bout de la serre, de l'autre côté du parc. Sans jamais oser aller lui adresser la parole. Tu avais peur qu'elle prenne ses jambes à son cou, qu'elle se moque de toi ou qu'elle te rit au nez. Après tout, ce n'était pas comme si elle avait besoin d'un nouvel élément dans sa vie qui était déjà plein remplie.